L’ART D’INVESTIR. Plusieurs grandes institutions financières canadiennes sont la cible d’actions collectives intentées par des investisseurs alléguant qu’ils ont payé trop cher la gestion active de fonds communs qui, en réalité, calquaient leur indice de référence. Surprenant, direz-vous ? Pas vraiment. C’est ce qu’on appelle « indexation déguisée », traduction libre de closet indexing. Cette pratique nous apparaît malheureusement être assez courante dans l’industrie financière canadienne.
Ces gestionnaires de portefeuille indiciels camouflés prétendent suivre une stratégie visant à battre les indices de référence, ce qui est défini comme étant de la gestion active. Dans les faits, le client se retrouve avec un portefeuille qui reproduit très étroitement l’indice de référence ; il s’agit donc d’une gestion passive.
C’est un peu l’équivalent de se rendre chez le concessionnaire automobile pour acheter un véhicule de luxe et d’en ressortir avec une voiture bon marché. Il n’y a rien de mal à posséder un véhicule économique. Le problème réside plutôt dans le fait de payer une fortune pour l’acquérir tout en pensant obtenir une performance digne d’un véhicule haut de gamme.
Les gestionnaires qui agissent de la sorte le font pour la simple et bonne raison qu’il est très difficile de surpasser les marchés à long terme. Les statistiques le montrent avec éloquence : seule une poignée de professionnels arrive à réaliser cet exploit. Selon les données que vient de publier le gestionnaire d’indices S&P Dow Jones Indices, 88 % des fonds d’actions canadiennes ont sous-performé leur indice de référence en 2020. Sur 10 ans, c’est 84 % des fonds qui ont été incapables de mieux performer que leur barème après frais.
Puisque la majorité des gestionnaires ne parvient pas à générer des rendements excédentaires aux indices, ce qu’on appelle l’« alpha » dans l’industrie, plusieurs vont les copier, ni plus ni moins. Une telle gestion implique des coûts moindres, tout en assurant un rendement s’approchant de celui des indices.
Des pistes pour reconnaître la gestion active
Règle générale, une équipe de recherche consacrée à suivre un univers d’entreprises, à rencontrer des dirigeants et à échanger avec d’autres investisseurs sur différentes idées d’investissement correspond au profil de la gestion active.
Les gestionnaires qui suivent cette approche vont habituellement éviter l’éparpillement et ne s’en tenir qu’à une seule stratégie d’investissements peaufinée au fil des ans. Autre élément capital : le portefeuille personnel d’un gestionnaire actif aura tendance à être constitué des mêmes titres que ceux de ses clients, témoignant ainsi de sa conviction envers la stratégie qu’il met de l’avant.
Votre conseiller prétend que vos avoirs sont gérés activement ? Une indication d’indexation déguisée serait un portefeuille statique depuis quelques années constitué de fonds eux-mêmes composés de centaines, voire de milliers de titres. Dans un tel cas, il est fort probable que les rendements du portefeuille soient très proches de ceux des indices de référence.
Si on ajoute à cela les frais de gestion élevés comme ceux dénoncés dans les actions collectives en cours, l’investisseur ne peut espérer obtenir autre chose qu’une sous-performance par rapport aux indices de référence.
À la lumière de ce phénomène, bon nombre d’épargnants vont se demander comment savoir si les frais exigés par leur gestionnaire sont adéquats.
Selon toute logique, un gestionnaire qui se contente de reproduire les indices devrait exiger des frais moindres que celui qui investit temps et énergie dans la recherche visant à générer le fameux « alpha ». Même si le type d’entente de service diffère d’un gestionnaire à l’autre, il est évident que d’exiger des frais de gestion annuels de 2 % et plus pour une indexation déguisée est excessif.
Pour comprendre la structure des frais que vous payez, demandez à votre conseiller des explications sur l’ensemble des frais, incluant ceux versés au gestionnaire de fonds. Il est aussi possible de consulter soi-même le rapport de frais annuel remis par le gestionnaire et les états financiers des fonds détenus dans le portefeuille pour reconstituer les frais totaux payés.
L’auteur de ce texte est Lucas Blouin, analyste de revenu fixe de Medici