EXPERTS INVITÉS. Accepteriez-vous de vous unir à une personne qui promet de vous dévoiler uniquement une partie de sa personnalité et qui vous cache ses traits les plus obscurs ? Certainement pas. Pourtant, c’est ce que font de nombreuses personnes bien nanties en souscrivant une police d’assurance assortie d’un compte de placement.

Votre carrière est en pleine ascension et le premier-né de la famille vient de naître. Le besoin de protéger vos bien-aimés au moyen d’une assurance vie se fait rapidement sentir. Personne ne désire laisser sa succession dans un pétrin financier advenant le pire. Cela va de soi.

C’est à ce moment qu’un conseiller en sécurité financière vous propose une solution «idéale». Il vous vante les vertus d’un produit qui marie assurance et placement : l’assurance vie dite «universelle». Non seulement votre prime se payera d’elle-même rendu à un certain âge, vous fait-il valoir, mais en plus, le volet placement comporte d’appréciables avantages fiscaux. Votre argent fructifiera à l’abri de l’impôt pour le plus grand bien de votre succession, insiste le promoteur du produit.

Génial, n’est-ce pas ? À première vue peut-être. L’analyse de plusieurs contrats d’assurance pour des clients qui avaient été séduits par ces produits nous a toutefois permis de découvrir les coûteuses failles à long terme que ces contrats d’assurance comportent.

Piètre rendement

Comme mentionné précédemment, l’assurance vie universelle allie une assurance vie permanente de base à un compte de placement. La prime exigée s’applique de façon globale pour les deux portions et est ainsi très difficile à distinguer pour le commun des mortels.

Afin de décortiquer la valeur économique de ce produit relativement complexe, nous avons pris un cas que nous avons récemment analysé. Un professionnel avait souscrit, il y a cinq ans, une assurance vie universelle garantissant un capital de 500 000 $ à son décès, auquel s’ajoutera la valeur de la portion épargne-placements à ce moment.

En vertu du contrat, le client a déboursé une prime de 20 000 $ pour chacune des cinq dernières années. La part servant à payer la couverture d’assurance a totalisé environ 7 000 $ sur cette période, le restant des montants versés par le client, soit 93 000 $, a donc été dirigé vers le compte de placement.

Fait marquant, le plus récent rapport transmis au client par la société d’assurance affichait une valeur de rachat de 93 000 $. Il s’agit du montant auquel le client aurait droit s’il décidait de résilier sa police.

En d’autres mots, le rendement après frais réalisé par le volet investissement de la police s’est révélé de… 0 % sur cinq ans. Vous avez bien lu, 0 % !

Si les mêmes sommes déposées au début de chaque année par le client avaient été investies selon une politique de placement prudente de 50 % en actions ordinaires et de 50 % en titres à revenu fixe, la police aurait procuré une plus-value d’environ 19 000 $. Le client aurait donc réalisé un rendement de 6,5 % en moyenne par année en répartissant de façon égale les montants investis dans les fonds négociés en Bourse (FNB) reproduisant la performance des indices S&P 500 et S&P/TSX, ainsi que dans le FNB calquant le marché canadien des titres à revenu fixe.

Le piètre rendement des assurances vie universelles est attribuable à plusieurs facteurs :

> Les généreuses commissions de vente et de suivi annuel versées au conseiller.

> Les coûts cachés assumés préalablement par les assureurs, mais repassés aux clients, tels que la taxe de vente provinciale et un impôt sur les revenus de placement.

> Les frais d’administration annuels et de gestion de portefeuille.

Selon nos calculs, la facture totale grève en général le rendement potentiel des placements de ce type de produit d’environ 4 % à 5 % par année. Des frais exorbitants, particulièrement lorsqu’on les compare au tarif avoisinant 1,2 % habituellement exigé par les sociétés de gestion privée. Des frais de gestion de portefeuille qui sont de surcroît transparents, contrairement à ceux imposés par les polices d’assurance vie universelle.

L’intérêt du vendeur avant tout

Non seulement les titulaires de ces polices n’ont aucune idée de l’ensemble des frais qui leur sont imposés, mais ils se font hameçonner par un appât qui peut ne pas répondre à leurs besoins. Les promoteurs de ces produits omettent en effet trop souvent de réaliser dès le départ une analyse exhaustive des besoins de protection de leurs clients et de les réviser en cours de route.

En recommandant une assurance vie permanente plutôt que temporaire, ceux qui vendent ces produits ne priorisent pas l’optimisation de la situation financière à long terme de leurs clients, mais plutôt leur rémunération.

Les besoins de couverture d’assurance vie tendent en effet à diminuer grandement dans le temps, à mesure que les dépenses familiales évoluent et que le patrimoine de la famille progresse. Dans cette perspective, il serait la plupart du temps plus approprié pour les clients de se voir proposer une assurance vie dite temporaire, moins onéreuse que la formule dite permanente.

Une autre grande lacune avec laquelle doivent composer les titulaires d’assurance vie universelle est leur grande opacité. La reddition de comptes relative à la portion investissement ne respecte en effet pas les meilleures pratiques professionnelles suivies par les gestionnaires de portefeuille.

Les relevés des polices d’assurance destinés aux clients n’affichent pas systématiquement le rendement obtenu par les placements et ne présentent aucun barème auquel la performance peut être équitablement comparée. Autre lacune majeure : les relevés ne font aucunement mention de la politique de placement convenue avec le client.

L’analyse de plusieurs polices d’assurance vie universelles, tant sur le plan de l’investissement que de celui de l’assurance, nous amène à une conclusion sans appel : les résultats sont inacceptables !

Ce produit nécessite des compétences supérieures, à la fois en assurance et en investissement, qui sont cependant très difficiles à conjuguer pour un conseiller en sécurité financière et une entreprise dont la mission première est l’assurance vie.

S’il est mal compris de nombreux vendeurs, ce produit est encore moins à la portée du consommateur moyen à qui on le propose. Résultat : les plaintes se sont multipliées au fil des ans, tel que l’indiquait Julie Chevrette, directrice des communications de la Chambre de la sécurité financière, dans un article publié dans la revue spécialisée Conseiller, le 9 février 2017.

«Souvent, les demandes d’enquête soumises à la Chambre de la sécurité financière montrent que les clients ne comprennent pas bien l’assurance vie universelle et que les explications sur ce produit sont insuffisantes.»

Assurance et investissement ne font définitivement pas bon ménage. Pensez-y à deux fois avant de signer un contrat qui vous propose un tel mariage.

Carl Simard est président et cofondateur, Philippe Veilleux est gestionnaire de portefeuille adjoint, et Yannick Clérouin est conseiller chez Gestion de portefeuille stratégique Medici.

Source: Assurance et investissement, un malheureux mariage (Les Affaires)

 

 

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