Chaque lundi, La Presse Affaires invite un professionnel du secteur des placements à discuter de ses principales préoccupations concernant l’économie et les marchés financiers. Notre invité cette semaine : Eddy Chandonnet, gestionnaire de portefeuille et associé chez GPS Medici. Cette firme, située à Saint-Bruno-de-Montarville, gère pour 400 millions d’actifs auprès de 250 familles.
QUE SUIVEZ-VOUS DANS L’ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE CES TEMPS-CI ?
Les événements qui nous interpellent sont ceux qui touchent plus particulièrement les entreprises dont nous suivons la trace. Ces jours-ci, nous portons attention à la mise en application en Europe, le 25 mai, du Règlement général sur la protection des données, qui oblige les entreprises numériques à plus de transparence en ce qui concerne l’utilisation des données des utilisateurs.
Cet événement est intéressant à plus d’un titre.
Ce règlement, en ajoutant des barrières à l’entrée, risque fort de favoriser les leaders du marché que sont Facebook et Amazon.
Certains pourraient croire que la rentabilité de Google ou Facebook sera touchée négativement par l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, mais nous croyons que ce sera le contraire. Mettez-vous à la place d’une petite firme. Des amendes peuvent représenter le plus élevé de 20 millions d’euros ou jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial d’une entreprise qui enfreindrait la loi. Autrement dit, c’est la mort de l’entreprise. Certains intermédiaires y penseront à deux fois avant de s’exposer à une pénalité de cette envergure. On voit déjà des intermédiaires se retirer du marché. Cela fait en sorte de laisser encore plus de place aux joueurs dominants : Facebook et Google.
Ensuite, cette réglementation fera sans doute des petits. Plusieurs pays surveillent la mise en place de la réglementation européenne et s’en inspireront sûrement pour la mise en place d’une réglementation sur leur propre territoire. L’événement sera donc déterminant pour l’avenir de la réglementation mondiale relativement à l’utilisation des données.
QUELS ÉVÉNEMENTS ATTENDUS DES MARCHÉS FINANCIERS SUIVREZ-VOUS LE PLUS AU COURS DES PROCHAINS JOURS, DES PROCHAINES SEMAINES ?
Ce qui nous intéresse, ce sont les résultats des entreprises que nous suivons. Entre autres cette semaine, il y a Dollarama.
Alors que le secteur du commerce de détail dans son ensemble est affecté par le commerce électronique et particulièrement par Amazon, certaines entreprises réussissent à tirer leur épingle du jeu. Nous estimons que chez Dollarama, la valeur du panier d’achat moyen se situe entre 10 et 15 $. Comme la marge brute est de 40 %, cela veut dire que le panier moyen rapporte au maximum 6 $. On voit difficilement comment un joueur en ligne pourrait rivaliser tandis que ses frais d’assemblage d’une commande, l’emballage et le transport sont supérieurs à 6 $ par commande.
TJX (Marshalls et Winners), en offrant aux marques nationales d’écouler au rabais leurs invendus sans nuire à l’image et à la valeur de leur marque, est un autre exemple d’une chaîne de magasins à l’abri de l’« amazonisation » du commerce de détail. J’aime le potentiel de leur nouvelle enseigne Sierra Trading Post, qui en est encore à ses débuts.
OÙ EN ÊTES-VOUS AVEC L’ALLOCATION D’ACTIFS DANS LA GESTION DE PORTEFEUILLE DE VOS CLIENTS ?
Plusieurs de nos clients détiennent des revenus fixes en portefeuille et malgré les récentes hausses du taux directeur, celui-ci est encore très faible. C’est tout un défi actuellement de trouver des titres à revenu fixe offrant un rendement satisfaisant et répondant aux critères de qualité recherchés. Nous nous adaptons en considérant des titres à revenu fixe non traditionnels comme des débentures convertibles de sociétés que nous connaissons bien et dont le bilan est sain. On se protège du risque à la baisse puisque leur échéance est de cinq ans ou moins, tout en nous permettant de générer des rendements supérieurs si l’entreprise offre une bonne performance.
En ce qui concerne les actions, nous concentrons nos efforts à identifier des entreprises ayant des modèles d’affaires solides qui leur permettront de traverser les périodes de turbulences. Notre travail consiste donc à identifier ces entreprises, en assurer un suivi et les acquérir lorsque le marché nous les offre à un prix attrayant. L’année dernière, on trouvait le marché cher et on trouvait peu d’occasions. Aujourd’hui, nous sommes pleinement investis.
ANDRÉ DUBUC
LA PRESSE
21 mai 2018