Un conglomérat ennuyeux doté d’un fort potentiel
Oubliez les cryptomonnaies, les jeunes pousses de l’industrie du cannabis ou les flamboyants fabricants de véhicules électriques. Le conglomérat d’assurances spécialisées Markel* (MKL, 1214,01 $ US) ne revêt à première vue rien de bien excitant, mais il présente un rendement potentiel à faible risque fort intéressant pour les prochaines années.
Afin de découvrir ce qui rend ce titre ennuyeux si attrayant, il faut avant tout prendre le temps de comprendre ce qui distingue cette société qui travaille dans l’ombre du conglomérat de Warren Buffett, Berkshire Hathaway (BRK.B, 289,65 $ US).
Des créneaux peu fréquentés
Le conglomérat de Virginie offre une gamme diversifiée de solutions d’assurance qui affrontent une faible concurrence. Les risques auxquels ses solutions sont exposées se révèlent en effet plus complexes à évaluer par les acteurs traditionnels de l’industrie.
Vous cherchez à assurer votre collection de voitures anciennes ? Markel a une solution pour vous. L’entreprise, présente à Montréal et dans de nombreux marchés internationaux, assure également des activités aussi originales que les domaines équestres, les événements et fêtes communautaires, les propriétés immobilières en bord de mer, les gymnases et organismes sportifs ou encore les essais cliniques menés par les pharmaceutiques. Bref, Markel offre une protection contre les risques là où de nombreux assureurs traditionnels ne s’aventurent pas.
L’expertise développée par l’assureur dans l’évaluation des risques d’activités spécialisées depuis plus de 50 ans lui procure non seulement des avantages concurrentiels durables, mais une performance financière supérieure à la moyenne de son industrie depuis plusieurs décennies.
Les primes souscrites de Markel s’élevaient à 7 milliards de dollars américains (G$ US) au cours des douze derniers mois, soit trois fois plus qu’il y a 10 ans. Bien que la croissance des activités d’assurance de Markel s’avère intéressante, l’entreprise a toujours suivi une approche prudente en matière de
souscription afin d’assurer une rentabilité élevée dans toutes les conditions de marché.
Une performance financière remarquable
On évalue la performance des activités des assureurs en analysant une mesure de rentabilité communément appelée dans l’industrie « ratio combiné » (combined ratio). Cet indicateur exprime le pourcentage des revenus d’assurances que l’entreprise consacre aux indemnisations, aux frais de vente et aux autres dépenses de fonctionnement. Un ratio inférieur à 100 % indique que l’assureur réalise un bénéfice de souscription, tandis qu’un ratio supérieur à 100 % signifie qu’il ne doit compter uniquement que sur le rendement des investissements pour espérer réaliser un bénéfice.
Dans son ensemble, l’industrie de l’assurance n’arrive pas à maintenir un ratio de moins de 100 % à long terme. C’est tout le contraire pour Markel. De 2006 à 2021 inclusivement, le ratio combiné de Markel s’est situé en moyenne à 95,9 %. Durant cette période, ses revenus d’assurances ont augmenté de près de 8 % par année, ce qui nous apparaît fort raisonnable.
« Difficile à tuer »
Nous pouvons affirmer sans détour que Markel est un bon exemple d’entreprise « difficile à tuer ». Le conglomérat dirigé par Tom Gayner a en effet su investir ses revenus de souscription dans des véhicules de placement distincts du secteur de l’assurance.
L’entreprise détient un portefeuille d’actions de sociétés cotées en Bourse, dont la valeur marchande se situe à environ 8 G$ US. À cela s’ajoute un portefeuille de sociétés à capital fermé dans des créneaux pointus au sein de sa division Markel Ventures, dont elle recueille les flux de trésorerie générés. Au cours des 12 derniers mois, le bénéfice d’exploitation de cette division s’est élevé à 433 millions de dollars américains (M$ US). Elle détient aussi plusieurs sociétés d’assurance non traditionnelles, comme dans la titrisation de contrats d’assurance. Et comme tout bon assureur, Markel tire des revenus d’intérêts de son portefeuille d’obligations.
L’approche qui repose sur trois piliers distincts confère à Markel une grande solidité financière. Cela place l’entreprise de Virginie dans une meilleure position lorsqu’une catastrophe importante survient dans un des marchés dans lesquels elle est présente.
Un titre sous-évalué
Le titre de Markel nous apparaît en soi nettement sous-évalué en Bourse. Son portefeuille d’actions s’échangeait à près de 600 $ US par action au 30 juin dernier. En outre, les marchés ont connu une embellie depuis.
Markel détient également une participation de 23 % dans Hagerty (HGTY, 11,06 $ US), une société nouvellement entrée en Bourse, qui n’est inscrite qu’à 242 M$ US à ses livres, alors que la valeur marchande des actions qu’elle détient dans l’entreprise s’élève à près de 900 M$ US.
Selon l’évaluation de Medici, les activités d’assurance traditionnelles et non traditionnelles, Markel Ventures ainsi que le portefeuille de titres à revenu fixe ont la capacité de produire un bénéfice net de 72 $ US par action. Si l’on déduit la valeur du portefeuille d’actions du prix du titre — présentement à environ 1250 $ US —, cela signifie que le marché accorde au reste de l’entreprise un multiple d’à peine plus de neuf fois le bénéfice prévu. Un multiple aussi faible est généralement réservé aux entreprises en détresse ou en décroissance, et non aux entreprises florissantes comme Markel. Difficile, donc, de ne pas conclure que le titre se révèle grandement sous-évalué.
* Divulgation : les clients, employés et associés de Medici possèdent des actions de Markel.
Cet article a été rédigé par Karine Turcotte, gestionnaire de portefeuille et associée, et Yannick Clérouin, gestionnaire de portefeuille.