Tesla : Faut-il investir dans ce fabricant de voitures électriques ?
Faut-il investir dans Tesla ?
Avec Tesla, Elon Musk a révolutionné la vente de véhicules électriques. Faut-il pour autant investir dans le titre ?
Tesla a vendu plus de 250 000 véhicules depuis la sortie de son premier modèle en 2008 grâce, notamment, à une clientèle adepte autant de performance technique que de prestige.
On a d’ailleurs souvenir d’un de nos clients qui a remplacé sa Mercedes sport de luxe par une Tesla. Il a marqué notre imaginaire lorsqu’il a décrit sa voiture comme « un gros logiciel sur quatre roues, avec des performances impressionnantes, sans besoin d’essence et de fréquentes visites chez le concessionnaire ».
Au-delà de la performance terrain, jetons un œil sur le potentiel de la performance financière et boursière.
Plus risqué que certains le croient
Le pari est plus risqué que plusieurs le croient. Le graphique qui accompagne cette chronique montre dans un premier temps que les pertes opérationnelles annuelles de Tesla grimpent plus rapidement que le nombre de véhicules vendus annuellement. Ces pertes annuelles continueront à s’accumuler rapidement en raison de l’introduction de la Model 3, dont les marges bénéficiaires seront plus faibles. Certains analystes prévoient même que les pertes annuelles pour 2018 atteindront presque les 2 milliards de dollars. Le modèle est vendu à un prix de base plus abordable de 35 000 $US, comparativement à un prix de base d’environ 75 000 $US pour les modèles de luxe antérieurs. En visant ainsi la consommation de masse, la marge d’exploitation et l’image de marque de Tesla risquent de beaucoup s’effriter.
Une des difficultés est que Tesla n’a pas encore réussi à développer un avantage concurrentiel déterminant. Nous entendons votre réaction : «Comment ça, pas d’avantages concurrentiels ? Les véhicules de Tesla sont clairement supérieurs et, de ce fait, détiennent un avantage concurrentiel indéniable ! » Pas tout à fait. Pour détenir un véritable avantage concurrentiel, il faudrait que Tesla affiche une marge bénéficiaire supérieure à ses concurrents. À notre avis, les pertes accumulées à ce jour ne sont pas des investissements pour bâtir des leviers opérationnels ou commerciaux qui pourraient propulser un jour les profits.
Tesla comparée à Amazon
Certains feront valoir que Tesla devrait être comparée à Amazon puisque toutes deux révolutionnent leurs domaines respectifs en misant sur la technologie. Bien qu’Amazon ne soit pas elle non plus véritablement rentable dans son ensemble, elle nous apparaît comme un investissement plus valable que Tesla. Pour quelques raisons.
Amazon bénéficie premièrement d’un avantage concurrentiel éprouvé baptisé l’« effet réseau ». Plus il y a de consommateurs qui achètent sur son site web, plus cela attire les vendeurs de marchandises et plus l’offre de produits augmente. Plus cette offre augmente, plus les consommateurs vont acheter sur la plateforme. Ce cercle vertueux a permis à Amazon de devenir tellement dominante qu’elle contrôle aujourd’hui environ 40 % des ventes en ligne aux États-Unis. Sans avantage concurrentiel tel que l’« effet réseau », les véhicules Tesla pourraient, de leur côté, être copiés par la concurrence. Tous les grands constructeurs ont déjà annoncé en grande pompe le lancement prochain d’une panoplie de véhicules électriques tout aussi attrayants que Tesla.
D’autre part, le développement des technologies innovatrices, de même que les usines ultramodernes pour la production des batteries, exigera des investissements colossaux. En l’absence de profits, ces investissements devront être financés soit par l’émission de nouvelles actions, soit par l’augmentation de la dette. Il existe alors un risque de dilution qui réduirait la création de valeur pour l’actionnaire. L’utilisation démesurée de la dette peut également emmener Tesla dans une situation financière précaire lors d’inévitables récessions économiques.
Et l’évaluation du titre ?
En ce qui concerne l’évaluation du titre, le cours actuel tient déjà compte de la forte croissance des revenus anticipés sur la production de la Model 3. Étant donné la complexité manufacturière qu’engendre le passage d’une production nulle à une production d’un demi-million d’unités de Model 3, il est probable que cette production souffrira de retards et de déficiences sur le plan de la qualité. Les coûts de production peuvent rapidement grimper et détériorer davantage les flux monétaires déjà passablement négatifs.
En plus d’accumuler des pertes annuelles importantes et croissantes, il est en outre difficile d’entrevoir quand Tesla arrivera à générer une trésorerie positive.
L’entreprise est aujourd’hui confrontée à une concurrence solide, à une situation financière vulnérable en cas de resserrement du crédit, et à un risque d’exécution provenant d’une production à grande échelle qui n’a jamais été testée. Nous croyons que ces facteurs de risque sont majeurs et ne sont pas adéquatement pris en compte dans la généreuse évaluation du cours boursier. La débâcle de Blackberry, il y a quelques années, n’est-elle pas la preuve qu’une bonne technologie n’est pas toujours synonyme de bon investissement ?
Carl Simard, B.Sc.Act., MBA, CFA
Aaron Lanni, CFA
Carl Simard est fondateur, président et gestionnaire de portefeuille chez Gestion de Portefeuille Stratégique Medici, une firme de gestion privée de Saint-Bruno-de-Montarville.
Aaron Lanni est gestionnaire de portefeuille chez chez Gestion de Portefeuille Stratégique Medici.