Ce secteur roule à fond, même durant les récessions
Comme toute bonne firme de gestion privilégiant une analyse fondamentale, nous cherchons à repérer des entreprises qui prospéreront même durant les inévitables périodes de ralentissement économique. Les candidates idéales bénéficient du caractère anticyclique de leurs activités et sont en mesure de profiter de la solidité de leur bilan pour acheter des concurrents affaiblis.
Très peu de secteurs se trouvent à l’abri d’une baisse de régime de l’économie. S’il y en a un qui roule à fond même durant les récessions, c’est celui des pièces pour l’entretien et la réparation d’automobiles usagées.
Les distributeurs de pièces d’automobiles font partie de ce groupe sélect. Lorsque l’économie s’enlise, les propriétaires sont tentés de garder leur véhicule plus longtemps. Les autos gagnant en âge, elles requièrent le remplacement d’un plus grand nombre de pièces. Faute de solutions de rechange pour se rendre au travail, ces consommateurs au budget souvent limité doivent coûte que coûte effectuer les réparations sur leur véhicule pour assurer leurs déplacements.
Ce contexte à contresens se révèle favorable au quatuor de détaillants de pièces inscrits en Bourse : Advances Auto Parts, Autozone, Genuine Parts et O’Reilly Automotive.
Forte hausse des ventes lors de la dernière crise
Un retour dans le passé illustre la résilience de ces détaillants en période trouble. Plutôt que de décélérer, les ventes comparables, un indicateur clé de la performance des magasins ouverts depuis au moins un an, ont bondi en 2009.
C’est notamment le cas pour O’Reilly. La chaîne, qui compte près de 5 200 établissements au sud de la frontière, avait particulièrement brillé en affichant une croissance moyenne de 5,95 % de ses ventes comparables au cours des quatre trimestres de 2009. Celles d’Advance Auto Parts et d’AutoZone avaient accéléré de 5,3 % et de 4,4 % respectivement au cours de la même période.
L’année de la reprise économique qui a suivi a donné lieu à une performance encore plus remarquable : les ventes des magasins comparables d’O’Reilly, d’Advance Auto Parts et d’AutoZone ont grimpé de respectivement 8,8 %, 8 % et 5,4 % en 2010.
L’évolution boursière de ces entreprises a été non moins remarquable au cours de ces deux années. L’action d’O’Reilly s’est appréciée de 24 % en 2009 et de 58,50 % l’année suivante. Ses rivales ont suivi une trajectoire similaire.
Il est impossible d’entrevoir un scénario identique lors du prochain ralentissement économique, particulièrement en Bourse, mais le caractère anticyclique de ces entreprises demeure intact. Le contexte concurrentiel du secteur n’a pas connu de bouleversement dans la dernière décennie, si ce n’est que les grands acteurs de l’industrie ont multiplié les acquisitions de chaînes indépendantes.
Les dix principaux distributeurs de pièces d’automobiles revendiquent désormais plus de 52 % du marché américain, comparativement à 42 % en 2008.
Un facteur clé à surveiller pour ces détaillants est l’âge moyen des automobiles. Celui de la flotte de véhicules légers aux États-Unis est passé de 10,4 ans en 2007, à 11,7 ans en 2017. Cette hausse est favorable aux ventes des détaillants de pièces, car leur clientèle cible se situe dès que les véhicules franchissent le cap des sept ans.
En raison de la complexité croissante de la mécanique des voitures, le marché des pièces de rechange se dirige de plus en plus vers les garagistes. Ce phénomène a pour effet de réduire les marges bénéficiaires des détaillants, mais contribue en revanche à freiner l’invasion des Amazon de ce monde dans le marché.
L’âge idéal des véhicules pour les détaillants de pièces de remplacement est de huit à neuf ans. Or, les ventes comparables de ces chaînes ont commencé à ralentir en 2017, en raison de la diminution de véhicules se trouvant dans cette zone. La cause ? La chute des ventes de véhicules neufs entre 2008 et 2011.
Les contrecoups de la crise précédente se font sentir aujourd’hui, mais les données du gouvernement américain et d’analystes spécialisés portent à croire que la tendance s’inversera prochainement.
Amazon, pas encore une menace
Les titres des détaillants de pièces d’autos ont trébuché à l’été 2017 après qu’Amazon eut annoncé son intention de lancer une offensive plus musclée dans le créneau.
Si les investisseurs ont mal réagi sur le coup, ils ont par la suite pris du recul et compris que le géant de la vente en ligne ne pourrait conquérir le secteur aussi facilement que d’autres.
Plusieurs obstacles se dressent sur la route d’Amazon et des autres détaillants virtuels. Les propriétaires qui réparent eux-mêmes leur véhicule ont, la plupart du temps, besoin de l’aide d’un conseiller qualifié pour détecter le problème mécanique et se procurer la bonne pièce. Les chaînes comme AutoZone et O’Reilly prêtent également des outils spécialisés à ces réparateurs en herbe plutôt que de les forcer à les acheter pour une seule utilisation.
Pour la clientèle professionnelle, composée de garagistes, l’aspect le plus critique est la livraison des pièces dans les délais les plus courts possible afin de limiter au maximum leurs coûts de main-d’oeuvre et de servir leurs clients rapidement.
En raison de la complexité croissante de la mécanique des voitures, le marché des pièces de rechange se dirige de plus en plus vers les garagistes. Ce phénomène a pour effet de réduire les marges bénéficiaires des détaillants, mais contribue en revanche à freiner l’invasion des Amazon de ce monde dans le marché.
Pour les garagistes, la rapidité de la livraison prime sur le prix exigé pour les pièces, qui est, de toute façon, repassé aux propriétaires des véhicules. Côté vitesse de livraison, les quatre détaillants traditionnels possèdent une longueur d’avance sur leurs concurrents en ligne en raison de leur réseau de centres de distribution.
O’Reilly est particulièrement bien positionnée sur ce plan grâce à sa stratégie d’établir ses centres près des villes plutôt qu’en région. Ses employés sont en mesure de livrer aux garagistes les pièces courantes en 15 à 20 minutes ! Une vitesse imbattable pour les rivales électroniques.
La concurrence des détaillants en ligne reste à surveiller, tout comme la transformation de la flotte automobile américaine, car les véhicules électriques contiennent nettement moins de pièces qui subissent une usure (courroie de transmission, filtres à huile, etc.) que les autos à essence. Les véhicules électriques et la migration du mode d’utilisation des véhicules vers la location sur demande ne devraient toutefois pas transformer la flotte américaine à court et à moyen terme.
Au-delà de leur caractère anticyclique, les détaillants de pièces d’automobiles devraient continuer dans les prochaines années à accroître leurs parts de marché au détriment des distributeurs indépendants, et à poursuivre l’expansion de leur réseau. Ces entreprises ont aussi le potentiel de croître à l’international. AutoZone exploite déjà 564 magasins au Mexique, un marché dans la mire d’O’Reilly.
Les clients et associés de Gestion de portefeuille stratégique Medici détiennent des actions d’O’Reilly Auto Parts.
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Texte écrit par Yannick Clérouin, conseiller chez Medici.
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