Les trois clés de la culture d’une entreprise
Parmi une foule de gens habillés en complet-cravate, tout en haut de la tour de la Banque TD, au centre-ville de Toronto, se trouvait un grand gaillard. Portant une longue barbe et vêtu d’un t-shirt Under Armour. «Il détonne vraiment, mais voici un actionnaire bien satisfait de ses rendements», se dit-on en le reconnaissant. Il est sur le point de participer, comme nous, à l’assemblée annuelle de Constellation Software.
«Constellation Software est-elle l’affaire de l’esprit mathématique d’un seul maître à bord ?» Voilà une des questions critiques que nous souhaitions clarifier en participant à l’assemblée. Car, si tel devait être le cas, il était inévitable à nos yeux que cette gouvernance détruise l’organisation à un moment ou à un autre.
Il n’existe pas de réponse facile à cette question. L’appréciation repose souvent sur une intuition personnelle, laquelle peut parfois jouer des tours.
Un cadre de référence est donc nécessaire lorsque vient le moment d’évaluer si la culture d’une entreprise est gagnante ou non.
Quelques grilles peuvent sans doute être élaborées.
Trois clés principales devraient cependant s’y trouver :
1. Cherchez des sociétés qui sont dotées d’un plan d’incitatifs qui motivent les employés à se dépasser, et ce, conformément aux intérêts des actionnaires à long terme ;
2. Cherchez des preuves tangibles selon lesquelles tous les hauts dirigeants sont mis à contribution dans la poursuite des objectifs de l’entreprise ;
3. Cherchez des dirigeants qui sont habités d’une volonté de bâtir une organisation pérenne.
Si des sociétés comme Berkshire Hathaway et Costco Wholesale passent facilement le test de ces clés, qu’en est-il de Constellation Software, une société torontoise qui a permis aux investisseurs de multiplier leur mise par 10 au cours des cinq dernières années ?
Plan d’incitatifs
Ne cherchez pas de détails concernant le plan de rémunération par octroi d’options d’achat d’actions chez Constellation. Cela n’existe tout simplement pas. Le pdg, Mark Leonard, a développé une allergie à la dilution de l’avoir des actionnaires, ce pour quoi il exclut les options ou l’émission de nouvelles actions. Le plan d’incitatifs est particulier et ne ressemble en rien à ce qui se fait ailleurs.
Les dirigeants et les cadres sont admissibles à une prime annuelle fondée sur la croissance interne et le rendement du capital investi. Le personnel est tenu d’investir au moins 75% de la prime après impôts dans l’achat d’actions de l’entreprise sur le marché boursier. Ces actions doivent être détenues pour une période allant de trois à cinq ans.
Étant donné la bonne tenue de l’entreprise au fil des ans, il est rare qu’un dirigeant veuille vendre ses actions une fois l’échéance atteinte. Les gains non réalisés sont en effet élevés, et la disposition provoquerait une lourde imposition sur le plan fiscal. Par conséquent, le plan de bonification a créé une mentalité de propriétaires plutôt que d’employés.
Mise en valeur de l’équipe
Il fallait entendre Mark Leonard lors de la dernière conférence téléphonique pour bien apprécier à quel point la direction délègue des pouvoirs importants à ses employés.
Interrogé sur la gestion d’un effectif de plus de 10 000 employés, le pdg a rétorqué que la haute direction ne gère pratiquement pas de personnel. Les dirigeants de chaque division sont responsables des ressources humaines. La société mère s’assure principalement de faire le suivi des résultats selon des objectifs clairement établis au préalable.
Mark Leonard a également indiqué son désir de décentraliser davantage la gestion du capital au sein des différentes divisions. L’allocation du capital sera enseignée aux chefs de division qui établiront eux-mêmes la plupart des cibles d’acquisition.
Bâtir une organisation éternelle
Mark Leonard a affirmé à plusieurs reprises la volonté de ses collègues d’acquérir des entreprises qui peuvent être conservées à jamais. Il s’agit d’un état de fait qui n’est pas sans rappeler les propos de Warren Buffett lorsqu’il dit vouloir acheter des entreprises éternelles pour Berkshire Hathaway.
Le président de Constellation Software a également qualifié sa décision passée de se financer avec une facilité de crédit de «pure folie». Il soutient que financer à court terme des sociétés à détenir éternellement n’a généralement pas de sens.
Voilà essentiellement ce que nous recherchons d’un investissement à long terme. Une société décentralisée, gérée en vue de l’éternité et dotée d’un plan de rémunération incitant les employés à générer de la valeur pour les actionnaires. Sur cette base, Constellation Software est encore promue à un bel avenir.
Et pour ceux qui se demandent qui était ce grand gaillard à la longue barbe lors de l’assemblée annuelle, il s’agissait de Mark Leonard, le pdg de l’entreprise.
Les clients et les associés de Medici possèdent des actions de Constellation Software.
Carl Simard est président de Gestion de portefeuille stratégique Medici, une firme de Saint-Bruno.