Les cicatrices laissées entre autres par Nortel Networks, au tournant des années 2000, ont contribué à répandre un virus qui touche un grand nombre de portefeuilles québécois. Ce mal représente une réelle menace à votre enrichissement : la « surdiversification ».
Bien des investisseurs se rappellent avec douleur le désastre le plus célèbre de l’histoire boursière canadienne. Aveuglés par la dérive technologique, ils ont notamment investi dans Nortel, dont la progression stratosphérique de son cours boursier n’avait aucun lien avec sa pitoyable performance économique.
Arriva ce qui devait arriver : le titre s’est effondré et a anéanti une grosse partie de l’épargne-retraite de milliers d’investisseurs canadiens.
De crainte de vivre un fiasco comparable ou simplement parce qu’ils redoutent constamment une correction boursière, nombreux sont ceux qui se font berner par le mirage de la diversification extrême.
Ils se laissent convaincre par différents intervenants de l’industrie financière que la meilleure façon que leur portefeuille évite les fluctuations importantes est de répartir leurs avoirs dans un incalculable nombre de placements. Et en raison de l’opacité qui caractérise de nombreux placements, les investisseurs croient que leur portefeuille n’est finalement pas investi en Bourse, en tout ou en partie.
Personne ne peut remettre en question les grandes vertus de la diversification en investissement. Elle constitue un moyen efficace de réduire le risque de perte d’argent irréversible à cause de mauvais placements, d’erreurs ou de circonstances imprévues. Elle devient toutefois inefficace, voire un obstacle à l’appréciation de votre capital, lorsqu’elle est appliquée de manière irréfléchie.
Des portefeuilles aux milliers de titres
Les centaines d’analyses de portefeuilles que Medici a réalisées au cours de la dernière décennie nous a permis de constater à quel point la surdiversification fait des ravages. Elle explique pourquoi tant d’investisseurs affichent un rendement inférieur aux indices de référence année après année.
Un portefeuille que nous avons décortiqué dans la dernière année comptait plus de 11 000 titres ! C’est que certains fonds communs investissent dans d’autres fonds (communs ou négociés en Bourse) afin, disent-ils, d’en optimiser la diversification. Le fonds d’une grande institution financière analysé comptait à lui seul 3 500 titres. Autre exemple frappant : un fonds d’obligations totalisant 5 900 titres.
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Un portefeuille qui comprend autant d’actions ou d’obligations pourra, au mieux, reproduire la performance du marché dans son ensemble, moins les frais de gestion.
Cet éparpillement crée un faux sentiment de sécurité. Il complexifie l’évaluation des différents risques auxquels le portefeuille est exposé.
Comment, dans ce contexte, un conseiller peut-il suivre de façon approfondie des centaines, voire des milliers de titres ? Cela est humainement impossible.
Il est du coup incapable de répondre aux questions de ses clients à propos de la composition du portefeuille ou des perspectives de chaque titre individuel. La plupart du temps, le conseiller ne pourra justifier pourquoi l’ajout d’un fonds de 500 titres améliore la diversification lorsque combiné à d’autres fonds qui comptent chacun une centaine d’autres placements. Imaginez quand le portefeuille comprend 25 fonds eux-mêmes répartis dans une centaine de titres…
Une telle composition occasionne des absurdités déplorables. Il est fréquent de voir les banques canadiennes figurer parmi les 10 principaux titres des fonds communs qui investissent au pays. La Banque Royale va ainsi se retrouver trois, quatre ou cinq fois dans un portefeuille, car elle constitue un titre incontournable pour de nombreux fonds canadiens.
À l’inverse, certaines entreprises de grande qualité qui ont affiché les meilleurs rendements des dernières années sont souvent peu représentées dans les portefeuilles, en dépit de la multitude de placements que ceux-ci comprennent. Cela reflète la méconnaissance du conseiller : il se concentre sur les entreprises les plus connues ou celles que le service de recherche de son institution recommande. Il passe alors à côté des autres occasions.
Des frais inutiles
Le saupoudrage du capital dans une grande quantité de titres a un autre effet dévastateur sur le rendement : la multiplication des frais inutiles. En plus de débourser des frais de gestion annuels s’établissant entre 1 % et 1,5 % à leur conseiller, les investisseurs versent des frais de gestion pour chacun des fonds communs. Le client débourse ainsi des frais annuels totalisant plus de 2 %, sans compter les frais supplémentaires à l’achat et à la vente que facturent certains fonds.
Il n’est pas rare que des firmes qui commercialisent les fonds communs confient la gestion des titres à une tierce partie. L’investisseur se retrouve donc avec trois étages de frais : son conseiller, la firme qui commercialise le fonds et celle qui en gère les actifs.
Tranchons tout de suite le débat : pour espérer obtenir un rendement supérieur au marché à long terme, il est incontournable d’investir dans un nombre limité de titres. Les investisseurs les plus réputés concentrent habituellement leur portefeuille dans 12 à 30 titres d’entreprises qui exercent dans différents secteurs.
Cette démarche permet de connaître les entreprises de façon approfondie, de concentrer son argent dans ses meilleures idées et de réagir rapidement à toute nouvelle information.
Autant un portefeuille diversifié à l’extrême semble rassurant à première vue, autant il peut camoufler l’absence d’une véritable stratégie d’investissement. Lors d’une crise boursière majeure, un portefeuille concentré dans des entreprises exemplaires qui exercent dans plusieurs secteurs économiques ne sera habituellement pas plus affecté qu’un portefeuille éparpillé. À court terme, cependant, un portefeuille concentré tend à fluctuer davantage à la hausse ou à la baisse que la Bourse dans son ensemble.
Ne vous laissez pas prendre par le piège de la surdiversification. Celui qui affirme réduire le risque de votre portefeuille en investissant dans sa 150e meilleure idée – surtout en sachant qu’il a peu de ressources pour réaliser sa recherche – vous vend une illusion qui vous coûtera très cher à long terme.
Texte écrit par Yannick Clérouin, conseiller chez Medici, avec l’aide de Carl Simard, président de Medici.
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