Quelles entreprises survivront à une récession?
« Cette entreprise survivra-t-elle à une récession si un ralentissement économique survenait demain matin? » Voilà une des questions qui revient constamment lorsque le comité d’investissement de Medici effectue le suivi d’un titre en portefeuille ou l’évaluation initiale d’un candidat.
La chute abrupte des marchés occasionnée par l’éclosion de la COVID-19 au premier trimestre de 2020 montre avec éloquence qu’un bon investisseur ne doit pas attendre une récession pour évaluer les risques liés à ses titres, mais toujours être prêt à en vivre une.
Comme il est impossible d’anticiper les chutes boursières et les récessions – qui aurait pu imaginer à la fin de l’an dernier que l’économie mondiale serait paralysée pendant plusieurs semaines –, il est crucial d’immuniser son portefeuille contre le plus grand nombre de risques pouvant mener à une perte permanente de son capital.
Cela implique d’écarter d’entrée de jeu un grand nombre d’entreprises : celles qui n’affichent pas de rentabilité durable, ne possèdent pas de réels avantages concurrentiels, sont de nature spéculative, dépendent des prix d’une ressource qu’elles ne contrôlent pas et enfin, celles grevées par une lourde dette.
Accorder une attention encore plus grande au bilan
Si la qualité du bilan constitue depuis toujours un critère clé dans l’analyse de nos titres, la fermeture forcée de nombreuses entreprises nous a amenés à faire appel à de nouveaux outils d’évaluation.
Comme celui de comparer les liquidités disponibles aux coûts d’exploitation fixes, afin de déterminer le nombre de mois que les entreprises pourraient survivre en l’absence totale ou quasi complète de revenus. Nous avons notamment fait l’exercice avec les détaillants dont les produits ne figuraient pas sur la liste des biens essentiels.
Pour y parvenir, il suffit d’additionner toutes les sources de liquidités dont dispose l’entreprise (encaisse, marges de crédit, emprunts, etc.) et en soustraire les dépenses impossibles à éliminer tels les loyers, les salaires incompressibles et le dividende s’il est maintenu.
Une attention particulière a également été portée à l’échéance des dettes. Objectif : s’assurer que les entreprises réussiraient à rembourser ou à refinancer celles qui arrivaient à terme dans les mois à venir.
Au-delà de la capacité des entreprises à survivre à une période sans revenu à court terme, il est crucial de réévaluer la solidité de leur bilan dans une perspective à plus long terme.
La crise affaiblit de nombreuses sociétés, mais elle crée aussi des occasions pour celles disposant d’abondantes réserves leur permettant de passer à l’offensive.
Les gestionnaires de capitaux habiles ont d’ailleurs réagi rapidement au contexte non seulement pour rendre leur entreprise plus résistante aux chocs à venir, mais pour accumuler des munitions qui serviront à acheter des rivales en détresse.
Ajuster les évaluations à un contexte plus normal
Quand la panique s’empare des marchés, les évaluations accordées aux entreprises ne reposent plus sur aucun paramètre rationnel.
Celles qui revêtent un potentiel exceptionnel se font liquider de la même façon que les sociétés de piètre qualité, sans égard à l’ampleur ou à la durée que la pandémie aura sur leurs résultats respectifs.
La plupart des entreprises subiront les effets de la crise pendant plusieurs trimestres, mais il est insensé de conclure qu’elles seront toutes affectées de façon identique.
Il importe donc de passer en revue chacun de ses titres afin de tenir compte des effets négatifs à court terme engendrés par la crise, tout en gardant à l’esprit leur réel potentiel à long terme.
L’évaluation d’une entreprise ne repose pas sur les seuls résultats de la prochaine année, mais sur tous ses bénéfices futurs. Si la croissance ralentit à l’an 1, elle pourrait augmenter plus fortement qu’initialement prévu dans les années suivantes.
En se projetant dans un contexte économique plus normal, on peut évaluer la capacité bénéficiaire à long terme réelle d’une entreprise. Cette approche permet de saisir des occasions lorsque l’incertitude incite le marché à accorder aux entreprises une valeur qui repose sur les moins bons résultats anticipés à court terme.
À l’inverse, un tel exercice nous force à analyser les soi-disant gagnants de la COVID-19 avec un regard plus critique. Zoom Video Communication (ZM, 136,24$US) est devenue une des coqueluches de ceux qui veulent profiter des contraintes imposées par la distanciation sociale.
La société qui fournit la populaire plateforme de vidéoconférence va en effet croître rapidement à court terme. Mais bénéficie-t-elle d’avantages concurrentiels qui se traduiront par une rentabilité durable?
Voilà le genre de questions essentielles à se poser lorsqu’on analyse un titre qui profite d’une tendance comme Zoom, d’autant qu’il se négocie à une évaluation parmi les plus élevées de son secteur et que la concurrence s’intensifie.
Chaque crise amène de nombreux observateurs à affirmer que celle-ci est différente des autres et qu’elle aura pour effet de transformer les comportements à tout jamais.
Mieux vaut éviter les extrapolations et se concentrer sur les éléments fondamentaux pour évaluer le mieux possible les entreprises. C’est la meilleure façon de se préparer à la prochaine crise.
Yannick Clérouin, gestionnaire de portefeuille adjoint chez Medici
Source: Un bon investisseur doit toujours être prêt à vivre une crise
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